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EGLISE CATHOLIQUE LIBERALE


Province de France, de Suisse Romande


et d'Afrique Francophone


La Transfiguration de Notre Seigneur

            

par Mgr François SEYFRIED



La Transfiguration de Notre-Seigneur figure en bonne place parmi les fêtes principales qui, parallèlement à la montée du soleil ascendant dans le décor astronomique de notre univers, illustrent l'ascension de la carrière spirituelle de Jésus.

En tant que troisième étape de son chemin initiatique, le souvenir de sa Transfiguration, nous transporte vers la fin de sa deuxième année de ministère en Galilée et dans les contrées voisines.

Le Maître a déjà à son actif de longs mois de prédication et d'enseignement, et derrière Lui une moisson abondante en miracles qu'il a accomplis, en particulier, en faveur de nombreux malades.

Sentant approcher l'accomplissement de son destin d'Avatar, le Rabbi commence à entreprendre ce que les Evangiles appellent " sa montée à Jérusalem ".

C'est à ce stade de son cheminement personnel et dans la perspective de son proche dénouement que Jésus invite trois de ses Disciples : Pierre, Jacques et Jean, à gravir avec Lui une haute montagne pour y aller prier à l'écart. (Luc 9/28)

L'épopée religieuse de l'Humanité nous rapporte que très tôt et dans les différentes civilisations les Hommes ont pris l'habitude d'installer leurs temples sur des sommets pour y adorer Dieu.

Fidèle à cette iconographie sacrée, la Bible, attribue à la montagne une place prépondérante aussi bien sur le plan objectif des lieux de rencontre avec Dieu que celui subjectif des expériences de l'Union mystique avec la Divinité..

Yahvé se manifeste sur la montagne du Sinaï pour y sceller son alliance avec le Peuple hébreu et remettre à Moïse la Table des Dix Commandements. (Ex.19-20)

Pareillement à la fin des temps, selon l'Apocalypse de Saint Jean, le Seigneur pour lui montrer la Jérusalem Céleste, déplace le visionnaire sur la cime d'une montagne.

Le Nouveau Testament fait souvent référence au recours de la part de Jésus à la solitude et au silence de la montagne.

Ainsi, certains évènements qui entourent ou qui concernent directement les hauts faits initiatiques de son incarnation christique, ont dans les Ecritures la montagne pour cadre de leur déroulement.

Après son Baptême, Jésus, pour être tenté par le démon, est emmené en esprit sur une haute montagne. (Mat.4/8)

Sa Transfiguration, que nous commenterons plus en détail, a lieu également sur une montagne. (Mat.17/1-9)

Le drame de sa Passion, l'Initiation du suprême renoncement, se déroule, lui aussi, sur les reliefs du territoire de Jérusalem ; le Mont des Oliviers et le Golgotha.

(Mat.26/30 et 27/33 Marc 14/26 et 15/22 Luc 22/39 et 23/33 Jean 19/17)

A maintes reprises, les Evangiles mentionnent que Jésus, le soir venu, quitte la foule pour se retirer dans la montagne afin de s'y recueillir la nuit durant. (Mat.14/23 Marc 6/46 Luc 6/12)

C'est encore et finalement sur une montagne que le Ressuscité, le jour de son Ascension, rassemble ses Apôtres avant de les quitter. (Mat.28/16)

En d'autres circonstances encore, Il les réunit sur une montagne pour les instruire ou les confirmer dans son choix. (Marc 3/13 Luc 6/12)

Ce fut le cas, notamment, du Sermon sur la Montagne que Jésus a prononcé sur le Mont des Béatitudes qui surplombe le Lac de Tibériade. (Mat.5/1)

En résumé, nous pouvons penser que, métaphoriquement parlant, l'image de la montagne dans les paysages bibliques cités, évoque avant tout le monde de l'Esprit auquel font allusion les évènements en question.

Il suffit de s'aventurer seul en montagne pour éprouver, non sans une certaine angoisse, la proximité oppressante de l'invisible Présence, qui confère à ces lieux élevés et retirés leur caractère à la fois sacré et redoutable.

C'est dans cette atmosphère, quasiment surréaliste pour le regard profane, que nous voyons Jésus debout sur la montagne, transfiguré en Christ.

Conformément au récit de Marc " Ses vêtements sont devenus éclatants d'une blancheur extrême, tels que foulon sur terre ne peut ainsi blanchir " (Mat.17/2 Marc 9/3)

En réalité, nous sommes là en présence d'une transformation de la forme extérieure de la matière en son essence de lumière.

Cette métamorphose des véhicules denses de Notre-Seigneur est également signifiée dans le tableau de sa Transfiguration par la comparaison de l'éclat de son visage avec celui du soleil.

En terminologie ésotérique, nous pouvons dire que la Personne de Jésus, pour l'instant d'un éclair, s'efface devant l'Entité glorieuse du Christ.

Comme, lors du Baptême de Jésus, a retenti la Parole de l'Unique Initiateur pour reconnaître Jésus comme son Fils bien-aimé, de même elle se fait entendre au moment de sa Transfiguration. (Mat.3/17 et 17/5)

Néanmoins, sur le Thabor, le message venant du Ciel est corroboré par un appel spécial adressé aux trois Apôtres présents, leur intimant d'écouter le Maître.

Par cette divine injonction à ses Disciples, le Christ Lui-même se trouve, pour ainsi dire, certifié d'en haut dans son mandat d'Instructeur de l'Humanité.

Il est noté aussi dans l'Evangile du jour qu'à la voix venant du Ciel, Pierre, Jacques et Jean tombèrent sur leur face et furent saisis d'une grande crainte. (Mat.17/6)

Cette simple remarque nous donne, en quelque sorte, la mesure de la secrète puissance que recèle le monde spirituel derrière le voile des apparences de l'ordre sensible.

Certaines grandes Ames en Orient comme en Occident, à travers leurs approches du Divin en tant que mystiques ou occultistes, ont joui du privilège d'entrevoir fugitivement ce redoutable pouvoir.

Dans ce domaine, nous relevons au chapitre 11 de la Bhagavad-Gita une scène comparable à celle de la Transfiguration. (Bhag.11/49, 52-54)

A la demande d'Arjuna, le Seigneur Krishna se révèle à son Disciple dans sa dimension cosmique de Toute-Puissance et de Gloire Universelle.

Dans cet état, Il se décrit Lui-même comme : " une forme sublime d'énergie rayonnante, en même temps qu'une forme d'épouvante; une vision terrible "

Lorsque l'Etre Sublime a de nouveau repris sa forme coutumière, Arjuna a cette parole rassurante :

" Maintenant que j'ai revu ta gracieuse forme humaine, ô Libérateur des Hommes, j'ai recouvré l'esprit et repris possession de ma propre nature " (Bhag. 11/51)

De son côté, l'Evangile nous raconte que Jésus, une fois rendu à son humanité, a touché ses trois Disciples prosternés, le visage contre terre, en les invitant à se relever et en leur demandant de cesser toute peur. (Mat.17/7)

En effet, " levant les yeux " ajoute l'auteur sacré " ils ne virent personne, sinon Jésus Lui-même seul "


Pendant que l'Ame des Compagnons de Jésus était adombrée par son rayonnement, Pierre lui propose de faire trois tentes sur place pour le retenir Lui-même ainsi que Moïse et Elie.

Car, explique Pierre : " ll est bon que nous soyons ici "

Ce sentiment de bien-être exalté par l'Apôtre correspond à la félicité d'une expansion de conscience au niveau des véhicules de la nature supérieure où brille, bien qu'encore cachée sous le boisseau, la Lumière de l'Esprit.

Dans l'Epître du jour, attribuée à Pierre, témoin oculaire de la Transfiguration, ce dernier, en contraste avec la divine embellie du Thabor, compare l'état de conscience de l'Homme ordinaire à

" la lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne et que l'étoile du matin se lève dans nos cœurs " (2 Pierre 1/19)

En conséquence, le jour heureux parmi tous sera celui de notre propre Transfiguration, quand nous aurons, selon le vœu de la Collecte du jour, gravi à notre tour la Sainte Montagne.

Jean, autre témoin direct de la Transfiguration, en rétrospective de cet instant d'intimité avec le Divinité, nous donne dans une de ses Epîtres, de cet éclatement de la personnalité aux dimensions du Soi impersonnel, la description suivante :

" Maintenant, nous sommes Enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore manifesté. Nous savons que, s'Il vient à se manifester, nous serons semblables à Lui, parce que nous Le verrons comme Il est " (1 Jean 3/2)

Dans la Bhagavad-Gita, déjà citée, Arjuna exprime cette nostalgie de notre Ame d'obtenir la vision du Seigneur, en adressant à Shri Krishna la demande suivante :

" Je voudrais Te voir sous Ta forme souveraine, si Tu estimes qu'il m'est possible de la voir; Seigneur, veuille me montrer Ton Être impérissable " (Bhag.11/3-4)

La réponse de Shri Krishna est la suivante :

" Ce qu'il te faut voir, ton oeil humain ne peut le saisir; mais il y a un oeil divin, et cet oeil, voici, Je te le donne. Contemple-moi en mon yoga divin " (Bhag. 11/8)

D'après la suite du récit biblique de la Transfiguration, qui n'a pas été retenu en entier dans notre lecture du jour,

" tandis qu'ils descendaient de la montagne, Jésus fit à ses Disciples la défense de ne parler à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'Homme se soit relevé d'entre les morts " (Mat.17/9)

En cela, Jésus annonce, une fois de plus, l'imminence de son ultime épreuve initiatique.

Sa victoire sur la mort le conduira à la libération et lui attribuera définitivement la Robe de Gloire, dont la passagère émergence au sommet du Thabor a été le gage précurseur.

A l'exemple de sa Passion, le Sentier qui nous élève vers le sommet de la Montagne Sainte de notre Illumination, est une trajectoire meurtrière pour les attachements dont nous avons tendance à l'encombrer, soit matériellement, soit psychiquement ou mentalement.

Au sujet de la pénibilité des efforts à fournir pour vaincre ces obstacles qui obstruent la voie à suivre, le Seigneur Krishna tient à Arjuna le discours suivant :

" Tu as vu cette forme si difficile à voir qui est mienne. Les Dieux eux-mêmes ne cessent d'aspirer à sa contemplation.           

Ni les Véda, ni les austérités, ni les aumônes ou les sacrifices ne peuvent me faire apparaître tel que tu M'as vu.

Mais c'est seulement par une dévotion, qui ne détourne son regard vers nul autre, qu'il est possible de me connaître ainsi, de me voir dans mon essence et de pénétrer en moi "

(Bhag.11/52-54)

En rapport avec l'exigence de cette dévotion sans partage que nous devons porter à Notre-Seigneur pour être gratifié de sa vision, il me paraît opportun d'attirer l'attention sur le culte de sa Présence dans le Saint-Sacrement, joyau sacramentel, qui confère à l'Eglise Chrétienne sa grandeur et son originalité.

Notre Office de la Bénédiction du Saint-Sacrement, par exemple, sur le plan mystique, représente par excellence le signe et produit simultanément dans l'invisible les effets de la révélation transfigurante de Notre-Seigneur.

Effectivement, dans l'adoration de la Sainte Hostie exposée à notre regard, le Seigneur offre aux yeux de notre Ame la vision de sa Présence tout en éveillant en nous sa divine immanence.

Cependant, son auguste et adorable Permanence dans le Pain de Vie témoigne aussi de son extrême Dévotion envers le Monde, c'est-à-dire de sa totale consécration à l'Humanité.

Cette appréciation de la richesse de ferveur et de piété de notre Rite de la Bénédiction du Saint-Sacrement nous conduit à conclure adéquatement par une de ses invocations notre commentaire de la Transfiguration de Notre-Seigneur.

Dans leur ensemble et leur harmonie, ces élans du cœur font la beauté liturgique et soutiennent l'intensité méditative du Culte Eucharistique.

L'invocation que nous avons retenue pour clore notre homélie se prête, nous semble-t-il, particulièrement à l'intention du jour, à savoir l'obtention de la Vision de Notre-Seigneur, objet principal de la Grâce que nous sollicitons en ce jour de la Transfiguration.

Dans cette disposition d'esprit, le Célébrant, avant de monter à l'Autel en vue de répandre la Bénédiction du Christ eucharistique sur les Fidèles présents et le monde environnant, entonne par ces paroles l'invocation en question :

" Seigneur Christ, Hôte caché dans l'Esprit Humain "

L'Assistance répond :

" Ouvre en nous Tes Yeux pour que nous puissions voir ".

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