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EGLISE CATHOLIQUE LIBERALE


Province de France, de Suisse Romande


et d'Afrique Francophone


FÊTE DE SAINTE THERESE de l'Enfant Jésus

            




















Par Mgr François Seyfried



Récemment, notre Eglise a inscrit à son calendrier liturgique la Fête de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus que la Chrétienté entière commémore en début d'Automne.


Vous avez pu constater qu'à l'inverse de la pratique romaine en ce domaine, l'Eglise Catholique Libérale n'a retenu que quelques rares individualités pour les ceindre de l'auréole de la Sainteté au sens plénier du terme.


Dans notre Missel, en dehors des trois Archanges et des personnages bibliques proches de Jésus, tels que Marie et Jean-Baptiste, ainsi que Pierre et le Collège des Apôtres, ne sont évoqués avec l'attribut de la Sainteté uniquement Jeanne d'Arc (le 08 Mai), Saint Alban (le 22 Juin) et François d'Assise (le 4 Octobre).


On peut s'interroger sur la raison de cette prudente parcimonie alors que les Chrétiens, en général, sont habitués à rendre hommage à une Sainte ou un Saint différents chaque jour de la semaine.


L'hagiographie qui accompagne chacune de ces célébrations retrace la biographie des Saints en question en exaltant leur pratique des vertus et en faisant valoir la richesse de leurs expériences spirituelles.


Avant d'entrer dans le vif de notre sujet et pour éviter toute confusion par la suite, il nous appartient en premier lieu de définir succinctement ce que notre Eglise entend par le qualificatif de Sainte ou de Saint.


La notion de Sainteté, telle que nous la concevons, trouve sa meilleure définition dans l'énoncé du Confiteor de notre Rituel de la Sainte Messe.


Les propos qui accompagnent cette démarche pénitentielle précisent qu'il nous arrive souvent d'oublier la Gloire de notre héritage, à savoir que notre Esprit émane directement de la Divine Monade elle-même.


Du fait que Dieu nous a créés pour Lui-même, nos faiblesses et nos fautes se dressent comme des obstacles sur le chemin qui doit nous conduire à redevenir en toute conscience et liberté le miroir immaculé de la Puissance Divine et l'image de Sa Perfection.


Le Rite sacré de l'Absolution, qui suit cette prise de conscience de nos manquements, nous procure la Grâce de la lumière et du soutien en vue de la rectification de notre conduite pour l'obtention de la Gloire Eternelle; autrement dit, la Sainteté au sens strict du terme.


Dans l'absolu, l'état que nous avons coutume de taxer de Sainteté est donc celui de la pleine Reconnaissance Divine, c'est-à-dire la situation du retour à l'état parfait d'origine de notre Monade enrichie de son capital existentiel.


Nous jouissons, la plupart du temps inconsciemment, d'un avant-goût de cette future Béatitude lorsque nous avons reçu la Sainte Communion et que le Célébrant nous rappelle que:


« bientôt nous contemplerons Notre-Seigneur à visage découvert et (que), nous réjouissant dans Sa Gloire, nous serons faits semblables à Lui »


Face à ce futur, la prière suivante, du nom de postcommunion, tout en sanctionnant le fait que nous avons été vivifiés par le don céleste par excellence, nous encourage à en faire fructifier le trésor dans les différentes circonstances de la vie quotidienne; le chemin sur lequel nous progressons vers la Sainteté.


A prendre à la lettre ces formulations de style rogatoire, nous constatons, qu'en règle générale, nous sommes, les uns et les autres, probablement encore fort éloignés de toucher à ce but.


Notre expérience personnelle du désir et de la volonté d'amendement nous apprend journellement que la route débouchant sur le seuil de la perfection ne se parcourt qu' à petits pas, étant donné le nombre et la nature des obstacles à franchir.


Ainsi, sommes-nous en droit de penser que le postulat de la Perfection ou de la Sainteté n'est guère soutenable raisonnablement en-dehors de l'hypothèse de la pluralité des existences et de la loi de la rétribution karmique.


Par ailleurs, si nous examinons la vie des Saints dans ce contexte occulte, force nous est de mesurer la distance qui sépare encore leurs mérites, bien que exceptionnels par rapport à la moyenne, de l'excellence du principe fondamental que le Maître a posé en conclusion de son Discours sur la Montagne.


“Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait” (Mat.5/48)


C'est la raison pour laquelle, à notre avis, la notion habituelle de Sainteté propre à la mouvance catholique en général paraît souffrir quelque peu d'un certain manque de hauteur surtout quant aux hagiographies du passé.


En plus, certains hauts faits attribués dans cette conjoncture aux saints personnages perdent quelques fois de leur pouvoir d'exemplarité à cause de leur coloration empreinte de moralisme ou de juridisme plus que de spontanéité naturelle.


Sous l'emprise de l'évolution des idées et des moeurs, les normes d'évaluation du degré et de la nature même de l'état de sainteté variant d'un pays ou d'une époque à l'autre, ne constituent pas toujours ni obligatoirement un critère de valorisation incontestable..


En tenant compte de ces ajustements préalables, nous allons à présent voir ensemble de quelle nature est le message de la Sainte du Jour et quel est l'enrichissement dont nous pouvons bénéficier au contact de notre dévotion thérésienne.


L'histoire de la théologie et de la spiritualité concomitante s'est toujours, du moins en occident, développée en deux courants parallèles; celui de la voie discursive, d'une part, et celui de la voie mystique, d'autre part.


Cette constante est joliment rendue et nettement concrétisée dans les paroles qui introduisent le Rite de la Bénédiction qui clôture nos différents offices.


Le Célébrant émet alors le voeu suivant:


« Que la Paix de Dieu qui surpasse toute compréhension garde nos coeurs et nos pensées dans la Connaissance et l'Amour de Dieu et de Son Fils, le Christ, notre Seigneur »


De cette formule liturgique, nous retenons pour la suite de notre exposé les deux termes jumeaux et complémentaires; celui de Connaissance et celui d'Amour.


Nous pouvons ranger les écrits de Thérèse de Lisieux plutôt du côté de la deuxième tendance; celle que les historiens de la spiritualité ont baptisés de « petite voie du Coeur ».


La « petite Thérèse », comme son aînée la « grande Thérèse d'Avila », toutes deux Docteurs de l'Eglise, appartiennent à la lignée carmélitaine.


Du côté masculin, cette tradition monastique peut se prévaloir d'une de ses figures les plus remarquables, Saint Jean de la Croix, le Docteur Mystique et réformateur de l'Ordre du Carmel.


Dans une première approche, insuffisamment éclairée, la piété populaire a tendance à se méprendre sur la véritable signification d'expressions courantes comme celle d' « enfance spirituelle » ou de « petite voie » pour qualifier l'itinéraire ésotérique de Thérèse de Lisieux.


Le terme d'Enfance Spirituelle a son origine dans un passage de l'Evangile de Saint Matthieu où le Maître Jésus dit aux siens que


“Nul n'entrera dans le Royaume des Cieux, s'il ne devient pas comme un petit enfant” (Mat.18/3)


On peut souligner, à cet égard, que la Sainte de Lisieux est surtout connue et vénérée dans le grand public sous le vocable de « Thérèse de l'Enfant Jésus »; titre qui précisément fait écho à la maxime évangélique que nous venons de mettre en exergue.


En restant dans l'ambiance mystique de la théologie apophatique propre à l'Ecole carmélitaine, nous dirions plus justement ici que le renvoi allégorique à l'état d'enfant préconise l'abandon de l'Âme dans l'Abîme de la Divinité au-dessus et au-delà de tout processus de connaissance.


Voir Dieu face-à-face par le cheminement négatif de l'Âme; pénétrer par l'effort de l'Esprit jusqu'à l'Invisible et à l'Inconnaissable; cette soif de Dieu dans son essence, Thérèse nous en confie richement et poétiquement la brûlante et juvénile passion dans ses écrits et sa correspondance.


Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face ; ces deux titres glorieux sont porteurs en eux-mêmes de tout un programme de Sainteté que l'humble Carmélite de Lisieux s'est efforcée de réaliser dans les conditions et circonstances de son incarnation récente dont elle nous a transmis en héritage et souvenir un touchant récit dans son « Histoire d'une Âme ».


En considération de notre foi en la pluralité des existences ainsi qu'en regard de notre façon d'envisager la plénitude de la Sainteté, nous sommes portés à assimiler cette tranche d' histoire de Thérèse encore relativement proche de nous, à une des étapes, celle-ci certes presitigieuse, de son parcours initiatique.


Cependant, vu l'étrange parenté de conception métaphysique qui sous-tend l'aventure spirituelle de cette Âme d'élection; cette affinité avec notre vision des choses nous porte à honorer Thérèse comme un membre de la Communauté des Êtres avancés qui, derrière le voile, veillent sur la marche du monde.


Nous en appelons à ces Soeurs et Frères aînés dans le cadre de chaque Sainte Messe par le Rite de la Commémoration des Saints.


Après avoir rendu hommage à la vertu merveilleuses manifestées en Marie, nous faisons aussi mémoire du mérite de tous les glorieux Saints, qui, depuis le commencement du Monde, ont été les canaux parfaits de la Grâce divine et une lumière éclatante aux yeux de nombreuses générations


En conclusion de notre bref essai sur la Sainte la plus populaire de notre époque, nous vous donnons lecture d'un de ses poèmes dédiés à la Sainte Face.


A la Sainte Face


 


Ô Face adorable de Jésus,


seule Beauté qui ravit mon coeur,


daigne imprimer en moi


Ta Divine Ressemblance,


afin que Tu ne puisses regarder


l'Âme de ta petite épouse


sans Te contempler Toi-Même.


Ô mon Bien-Aimé,


pour Ton Amour j'accepte


de ne pas voir ici-bas


la douceur de Ton regard,


de na pas sentir


l'inexprimable baiser de Ta Bouche,


mais je Te supplie


de m'embraser de Ton Amour,


afin qu'Il me consume rapidement


et fasse bientôt paraître devant Toi.




 


Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus (1873-1897), carmélite, docteur de l'Église

MS A, 2 r°-v°


Le mystère de la vocation




                                                                                              Je ne vais faire qu'une seule chose :

                                                                                     commencer à chanter ce que je dois redire

                                                                                     éternellement -- « les miséricordes du Seigneur ! »

                                                                                     (Ps 88,1)… Ouvrant le Saint Évangile, mes yeux

                                                                                     sont tombés sur ces mots : « Jésus étant monté sur

                                                                                     une montagne, il appela à lui ceux qu'il lui plut ; et

                                                                                     ils vinrent à lui ». Voilà bien le mystère de ma

                                                                                     vocation, de ma vie tout entière et surtout le

                                                                                     mystère des privilèges de Jésus sur mon âme. Il

                                                                                     n'appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux

                                                                                     qu'il lui plaît ou comme le dit St Paul : « Dieu a pitié

                                                                                     de qui il veut et il fait miséricorde à qui il veut faire

                                                                                     miséricorde. Ce n'est donc pas l'ouvrage de celui

                                                                                     qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait

                                                                                     miséricorde » (Rm 9,15-16).


                                                                                             Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon

                                                                                    Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les

                                                                                    âmes ne recevaient pas un égal degré de grâces, je

                                                                                    m'étonnais en le voyant prodiguer des faveurs

                                                                                    extraordinaires aux saints qui l'avaient offensé,

                                                                                    comme St Paul, St Augustin, et qu'il forçait pour

                                                                                    ainsi dire à recevoir ses grâces, ou bien en lisant la

                                                                                    vie de saints que Notre Seigneur s'est plu à caresser

                                                                                    du berceau à la tombe, sans laisser sur leur passage

                                                                                    aucun obstacle qui les empêchât de s'élever vers

                                                                                    lui… Jésus a daigné m'instruire de ce mystère. Il a

                                                                                    mis devant mes yeux le livre de la nature et j'ai

                                                                                    compris que toutes les fleurs qu'il a créées sont

                                                                                    belles... Il a voulu créer les grands saints qui

                                                                                    peuvent être comparés aux lys et aux roses; mais il

                                                                                    en a créé aussi de plus petits et ceux-ci doivent se

                                                                                    contenter d'être des pâquerettes ou des violettes

                                                                                    destinées à réjouir les regards du bon Dieu lorsqu'il

                                                                                    les abaisse à ses pieds. La perfection consiste à

                                                                                    faire sa volonté, à être ce qu'il veut que nous

                                                                                    soyons.